Lettre ouverte au Président de la République

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Objet : Crise de l’eau à Mayotte                                               

Monsieur le Président de la République Française,

Nous souhaitions vous interpeller par la présente sur la situation catastrophique des habitant.e.s à Mayotte qui font face à une pénurie d’eau. En effet, les réserves d’eau (nappe phréatique, deux réserves collinaires, une usine de dessalement et plusieurs rivières) sont quasi-intégralement épuisées et la saison des pluies ne démarrera qu’en novembre au mieux.

La Préfecture de Mayotte a décidé de couper l’eau deux jours sur trois et elle envisage de passer de 48h à 96h consécutives de coupure. La situation est très alarmante, le département ne pourra produire seulement 15 000 à 20 000 m3 quand les retenues seront vides. Les besoins de l’île sont évalués à 43 000 m3.

Les paysans mahorais sont très inquiets pour leur culture à cause du manque d’eau. La plupart des producteurs ne cultivent pas pour vendre mais pour se nourrir. Les bananerais n’ont quasiment pas vu d’eau depuis des semaines. Tout le monde devrait commencer à cultiver le manioc mais personne n’ose planter. Le MODEF Mayotte craint une mauvaise récolte de mangues cette année. Le manioc et la banane qui poussent à Mayotte constituent, après le riz, la base du régime alimentaire local. S’ils viennent à manquer, le MODEF Mayotte redoute une crise alimentaire.

Le MODEF demande l’activation du régime des calamités agricoles dans ce département et une prise en charge à 100 % des pertes par le biais de la solidarité nationale pour sauver l’Agriculture mahoraise.

Nous sommes confrontés à une grave crise humanitaire, sanitaire, économique et prochainement alimentaire. Des cas de déshydratation, des maladies liées au manque d’eau et à sa qualité apparaissent. L’hôpital est sous tension et craint une flambée épidémique liée à la pénurie.

La couverture des besoins élémentaires (eau potable, assainissement …) n’est pas encore assurée pour tout.e.s les Mahorais.e.s.. Un tiers des mahorais n’a pas d’eau courante. L’eau est absente dans 29 % des résidences potables, soit le double par rapport à la Guyane (14%).

Plusieurs facteurs aggravent le manque d’eau sur l’île. D’abord, le réseau de distribution est extrêmement fragile, 40 % d’eau collectée serait perdue à cause des fuites. De plus, la majorité des masses d’eau de l’île sont dans un état écologique « mauvais » ou « médiocre», en raison des pollutions liées aux déchets …

Aujourd’hui, le droit à l’eau n’est pas garanti dans notre République. Il s’agit d’un scandale sanitaire, social et humain, au regard des conséquences désastreuses sur les citoyennes et citoyens. Les écoles sont obligées de fermer en raison de la non-potabilité de l’eau distribuée.

Rien n’a été fait pour éviter la catastrophe que subissent les habitant.e.s de Mayotte aujourd’hui. En effet, les infrastructures de production et d’approvisionnement d’eau potable sont insuffisantes alors que le besoin en eau croît rapidement avec sa population en forte croissance. Plusieurs élus ont été condamnés pour corruption et prise illégale d’intérêts à de multiples reprises.

Les solutions annoncées par votre gouvernement, comme la distribution de bouteilles d’eau, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Le MODEF exige l’envoi de dix containers d’eau par jour de la métropole par l’armée française pour couvrir les besoins des écoliers et de l’hôpital et des cuves de stockage d’eau de 1 000 litres pour les paysans. Nous demandons aussi la gratuité des mètres cubes d’eau vitaux pour les 50 premiers litres à Mayotte. Les packs d’eau sont vendus entre 6 et 10 euros à Mayotte contre 2 à 3 euros en métropole.

Pour les solutions à long terme, il faut investir massivement pour renouveler et améliorer le réseau de distribution d’eau afin de prévenir des fuites. Un plan d’investissement dans les canalisations, avec un volet particulier pour les Outre-Mer, est nécessaire pour réduire par deux en 5 ans le volume des fuites d’eau.

Il faut également préserver les milieux naturels. Le lagon souffre de l’apport de déchets et du rejet des eaux usées insuffisamment traitées sur le littoral et dans les cours d’eau. Aujourd’hui, sur les 86 000 tonnes de déchets ménagers collectés en 2021, 400 tonnes seulement, ont été triés. L’amélioration de la collecte des déchets est une condition nécessaire au développement économique de Mayotte.                                                                                                                

Le MODEF comme la plupart des citoyens est conscient que l’eau est une ressource naturelle vitale et qu’à ce titre, elle ne peut être assimilée à une marchandise et doit être considérée comme patrimoine de l’humanité. De ce fait, la gestion de l’eau doit être publique, démocratique et collective, afin de préserver sa quantité tant que sa qualité. Nous voulons garantir l’accès à cette ressource pour toutes et tous.

L’État doit réinvestir la politique de l’eau par un grand plan d’investissement massif, pour qu’enfin le droit à l’eau et à l’assainissement, reconnu comme droit humain fondamental par les Nations Unies en 2010, soit effectif.

Vous remerciant de l’attention que vous ne manquerez pas de porter à notre demande et dans l’attente de votre réponse, recevez, Monsieur le Président de la République Française, l’expression de ma haute considération.

                                                                                                               

Pierre THOMAS   Président du MODEF National,     

Fouad ALI, Président du Modef Mayotte