L’Agriculture et la souveraineté alimentaire sont des thèmes essentiels dans la campagne présidentielle
Madame, Monsieur,
Depuis soixante-trois ans, la part de l’Agriculture dans l’économie nationale a fortement diminué. Pourtant, les performances de l’Agriculture en termes de productivité sont comparables à d’autres secteurs d’activités. Mais la dégradation des prix agricoles a provoqué une baisse du revenu global et accentué par les évolutions de la Politique Agricole Commune (PAC).
Les revenus agricoles sont plus faibles dans les territoires d’élevage que dans ceux de productions végétales. Les ménages agricoles sont particulièrement touchés par la pauvreté avec 18 % de leurs membres vivant sous le seuil de pauvreté en 2018 (13 000 euros par an pour une personne seule).
En moyenne, seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient de l’activité agricole. La majorité de leurs revenus sont issus d’autres activités, en particulier celles du conjoint ! En 2016, 529 agriculteurs se sont suicidés selon les derniers chiffres de Santé Publique France. Les données révélées mettent en avant la situation de détresse de nombreux paysans. Le métier d’agriculteur, métier passion, est arrivé à un stade où il ne permet plus de faire vivre sa famille.
Globalement l’agriculture familiale va très mal, les cessations d’activité se multiplient et faute de perspective de revenu et de financement les installations sont en baisse de 6,7 % en 2020. Depuis des années, le MODEF dénonce les grandes orientations d’une politique agricole qui fait de la baisse des prix à la production son unique objectif. Cette politique oublie les femmes et les hommes qui travaillent pour nourrir le peuple, pour faire vivre et protéger les territoires.
Depuis des décennies, le gouvernement refuse à mettre en place des outils d’intervention sur les prix. La loi EGALIM n’a pas eu de répercussions sur le revenu des agriculteurs. Les produits de grande consommation ont augmenté de 0,3 % et les produits frais de 1,2 %. Mais cette inflation ne se retrouve pas dans les revenus des agriculteurs ! La grande distribution a profité très vite du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) de 10 % sur les produits alimentaires et le ruissellement ne s’est pas produit pour mieux rémunérer les producteurs. Trois ans après, on peut constater, avec regret, l’inefficacité des mesures mises en place par la loi EGALIM 1 et la loi EGALIM 2 n’aura pas plus d’effets positifs pour les exploitants.
Pendant les différents confinements liés à la COVID, les agriculteurs ont su répondre par leur engagement à la population pendant la crise en garantissant leurs livraisons malgré l’incertitude et les difficultés d’écouler leur marchandise. Malheureusement, certaines productions n’ont pas été épargnées par la crise mettant en péril les exploitations agricoles. Les prix payés aux éleveurs, viticulteurs ont chuté et restent toujours bas ! Les débouchés ont été durablement impactés par la fermeture de la restauration hors domicile.
Les cours du pétrole continuent leur ascension en portant le baril à 88,13 dollars pour la première fois depuis octobre 2018. La hausse du prix du pétrole entraîne dans son sillage celui des engrais avec des prix à 785 €/t pour l’ammonitrate contre 265 €/t un an plutôt et 805 €/t pour l’urée contre 283,5 €/t en 2021. Les coûts d’aliments du bétail ont également subi la flambée des prix des matières premières avec des hausses de 30 % en un an.
Malheureusement les exploitants agricoles n’ont pas la maîtrise des prix agricoles de leur production et ne peuvent répercuter cette hausse des coûts de production.
Les logiques libérales ont favorisé la rente au détriment de la rémunération du travail des exploitants et ont également conduit à une spécialisation des productions et à une réduction continue du nombre d’exploitations.
Selon le recensement agricole, la France a perdu 100 000 exploitations agricoles en 10 ans et 108 000 chefs d’exploitation, coexploitants et associés actifs. Aujourd’hui, un exploitant sur quatre a plus de 60 ans et 58 % des chefs d’exploitations et co-exploitants ont 50 ans, un chiffre en augmentation de 6 points depuis 2010.
Les chiffres présentés par le ministère de l’Agriculture sont catastrophiques. L’installation de jeunes et nouveaux agriculteurs devient un enjeu prioritaire, sachant que dans 5 ans, 270 000 agriculteurs vont partir à la retraite. Des outils d’accompagnement à la transmission doivent être proposés aux agriculteurs plusieurs années avant leur départ en retraite, d’autant plus lorsque le système d’exploitation demeure viable.
On compte aujourd’hui une installation pour deux à trois départs à la retraite. Ce nombre faible d’installation n’est pas lié au nombre de jeunes qui s’intéressent au métier mais à la faiblesse des revenus qui ne permet pas de vivre décemment de ce métier !
En moyenne, un agriculteur subit une perte de revenu de 20 % tous les trois ans à cause des aléas climatiques, des crises sanitaires et de la fluctuation des prix dans le secteur agricole. Parmi tous les risques auxquels sont confrontés les agriculteurs, l’aléa climatique est celui qu’ils peuvent le moins maîtriser. Les aléas sont nombreux comme le gel, la grêle, la sécheresse, l’inondation, la tempête, la neige …
Le MODEF s’oppose au projet de loi réformant l’assurance-récolte. Le gouvernement souhaite abaisser progressivement le niveau de garantie publique pour assurer le développement de l’assurance privée. Nous demandons le retrait de ce projet de loi et la création d’une caisse mutualiste aléas climatiques et sanitaires prenant en compte l’ensemble des acteurs économiques encadré par l’Etat. Le MODEF se bat depuis plusieurs années pour la mise en place d’un système basé en priorité sur la solidarité et destiné à protéger en premier lieu les exploitants agricoles.
La France ne produit que 60 à 70% de sa consommation, ceci est le résultat des politiques de la grande distribution de privilégier les importations pour casser les prix. Cette politique d’import fait suite à la suppression des frontières à l’intérieur de l’UE et l’ouverture des marchés européens aux pays tiers. De même les producteurs français et européens sont soumis à de fortes contraintes sanitaires et environnementales, qualitatives sans que ces mêmes contraintes ne s’appliquent aux produits importés entraînant d’inadmissibles distorsions de concurrence.
Sur certains produits agricoles, les marges de la grande distribution ont presque doublé en 10 ans au détriment des paysans et des consommateurs. L’agroalimentaire et la grande distribution utilisent les importations à bas prix pour faire pression sur les prix des productions agricoles. Les GMS et l’agroalimentaire considèrent toujours les agriculteurs comme de simples fournisseurs de matières premières.
Dans ce contexte, il est primordial de garantir la rémunération des paysans par des prix garantis par l’État, d’encadrer les marges et les pratiques de la grande distribution et maîtriser les productions agricoles sur le marché intérieur.
Le MODEF souhaite vous rencontrer afin d’échanger sur votre programme agricole et nos propositions afin de stopper l’hémorragie.
Comptant sur une prise en compte de notre demande,
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur à l’expression de mes respectueuses salutations.
Pierre THOMAS
Président du MODEF National,
06 87 43 97 95