Hold-up sur les terres agricoles en Corrèze

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Madame la Ministre,

Nous souhaitons par la présente vous interpeller sur l’accaparement des terres agricoles par une SAS, « LA FONCIERE RURALE DE LA CORREZE ».

Cette société a été créée en 2023 à l’initiative du Président de la Chambre d’Agriculture de la Corrèze, de quelques agriculteurs membres de son syndicat, de propriétaires fonciers et forestiers et de certaines collectivités.

L’objectif de cette SAS est « l’acquisition de surfaces foncières pour leur mise en valeur par tous les moyens d’exploitation, de gestion agricole et par toutes les activités ayant trait aux énergies renouvelables. Vente restructuration location et négociation de surfaces foncières. Conseil et assistance pour la création de fermes agricoles et photovoltaïques ». Louable objectif mais pratiques douteuses : les acquisitions se font au détriment des agriculteurs qui souhaitent s’installer ou des collectivités porteuses d’autres projets.

Des acquisitions sont en cours avec la complicité de la SAFER Corrèze dont le nouveau Président est membre du Conseil de surveillance de la SAS. Ces manœuvres, ont, entre autres, fait grimper les prix du foncier, empêché l’installation ou la réinstallation d’agriculteurs et entravent des projets communaux. Le MODEF avait alerté sur l’arrivée massive des capitaux extérieurs qui investissent le foncier agricole.

Par exemple, à Arnac-Pompadour, la Safer avait estimé une propriété agricole de 14 ha à 130 000 euros. À ce prix, elle intéressait des agriculteurs. La SAS La Foncière a fait augmenter artificiellement le prix des terres agricoles en l’achetant 170 000 euros.

À Viam, une agricultrice de la Haute-Vienne s’était portée acquéreuse de terres agricoles (47 ha) au lieu-dit la Buffatière pour se réinstaller. Elle devait déménager et concrétiser en Corrèze son projet de ferme en Bio mais le Comité technique SAFER Corrèze du 14 juin 2024 a priorisé la vente de terres agricoles sur la commune de Viam à la SAS. Le Comité SAFER Nouvelle-Aquitaine a rétrocédé la vente à la SAS plutôt qu’à une agricultrice !

Le Conseil municipal de Viam a pris une délibération contre l’implantation de panneaux de photovoltaïques sur sa commune

Le Conseil communautaire Vézère Monédières (V2M) s’est prononcé de façon unanime contre ce type de projet. La priorité étant de privilégier les toitures de bâtiments qu’ils soient agricoles ou industriels en s’appuyant sur le classement effectué par les communes récemment sur les zones d’accélération d’énergies renouvelables (ZAENR). Les terres agricoles doivent impérativement être conservées en l’état pour permettre la reprise des exploitations agricoles sur le territoire.

À Beaumont(10km²), la commune se porte acquéreuse en 2023 d’une propriété de 25 hectares en plein milieu de celle-ci. Elle prévoit d’installer des agriculteurs et apiculteurs sur certaines parcelles et d’intégrer le reste de la propriété, bâti et bois, dans un projet écotouristique. La commune prévoit également de valoriser les ressources ligneuses en préservant l’environnement et le paysage. Le Comité technique de la SAFER Corrèze du 31 octobre a attribué 9 ha et le moulin à eau à la SAS sans aucun projet concret (agrivoltaïsme évoqué au départ et maintenant centrale hydroélectrique). Cette mise en concurrence entre un opérateur privé (la SAS) et une collectivité publique qui défend sans but lucratif les intérêts d’un territoire est très inquiétante. De plus, le projet communal de Beaumont a reçu le soutien des 43 communes de l’Agglo de Tulle.

L’agriculture corrézienne rentre de plain-pied dans un capitalisme sans foi ni loi, de recherche du profit maximum dans un minimum de temps. Pour le MODEF, la terre doit rester prioritairement au service de la souveraineté alimentaire et ne doit pas devenir un objet de spéculation et de rente. Il s’avère impératif que sa fonction de production agricole puisse rémunérer le travail de celui qui exploite la terre, qu’il soit propriétaire exploitant ou fermier exploitant.

Le MODEF n’est pas opposé aux énergies renouvelables, bien au contraire ! Nous proposons l’installation sur les toitures des bâtiments agricoles et industriels, des surfaces commerciales et parkings sans massacrer des pans entiers de notre agriculture. D’ailleurs l’ADEME affirme dans un rapport de 2019 que ces surfaces sont suffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins en électricité en France. Il est donc irresponsable tant du point de vue économique qu’environnemental ou encore sociétal de s’obstiner à vouloir empiéter sur des espaces naturels.

Nous vous demandons Madame la Ministre de saisir les commissaires du gouvernement afin de contrôler les activités et la gestion de la SAFER Corrèze. En effet, les 4 missions de la SAFER n’ont pas été respectées sur plusieurs communes de la Corrèze dont les trois évoquées ci-dessus, Arnac-Pompadour, Viam et Beaumont.

Vous remerciant de l’attention que vous ne manquerez pas de porter à notre demande et dans l’attente de votre réponse, recevez, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

 

Fabien MARCILLOUX                                                         Frédéric MAZER

Président du MODEF Corrèze                                        Co-président du MODEF

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