La neutralité carbone, un objectif difficile à atteindre pour 2050
Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat vise à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050, réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 et de réduire la part nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035.
Il faut radicalement transformer un système énergétique reposant à 80 % sur trois sources fossiles : charbon, pétrole et gaz. 30 ans c’est peu pour y parvenir pour se rapprocher de la neutralité carbone. Pour cela, l’Agriculture devra opérer des mutations plus profondes afin que nos paysans puissent être accompagnés dans les différents changements de pratiques et à freiner les émissions à gaz à effet de serre.
Pour constituer des réserves suffisantes de puits carbone, il faudrait stopper l’artificialisation des terres agricoles (extension de l’habitat, des routes, des parkings) qui grignotent chaque année de l’ordre de 80 000 hectares de terres agricoles soit l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département en 4 années ! Les terres agricoles ont perdu 6,9 % de leur surface en trente ans soit environ 2 millions d’hectares. Le MODEF affirme que ces pertes de surfaces agricoles ne sont pas acceptables et tout doit être mis en œuvre pour stopper cette érosion afin de préserver la biodiversité et de limiter les gaz à effet de serre. L’implantation des énergies renouvelables grignotent également des terres agricoles comme par exemple la mise en place d’une éolienne c’est plus de 2 000 m2 de terrain. Le MODEF n’est pas opposé aux énergies renouvelables mais il souhaiterait que celles-ci soient localisées dans des friches industrielles (zone industrielle abandonnée, terrain militaire …).
En France, de nombreux terrains agricoles sont laissés à l’abandon et sans entretien. Les friches agricoles présentent un vrai risque en cas de feu de forêt, elles s’enflamment très vite. Aujourd’hui, dans le Lot et Garonne il est recensé 13 000 hectares de friches agricoles. Idem pour le département de l’Aude mais le Préfet du département a lancé depuis un an une lutte contre les friches agricoles. Le MODEF souhaite que les friches agricoles soient réhabilitées en terre agricoles et que la spéculation foncière soit stoppée, première cause de développement des friches dans les territoires.
L’Agriculture dégage des émissions à effet de serre par le méthane (CH4) via la fermentation entérique, la gestion des effluents et la riziculture ; le protoxyde d’azote (N2O) via les apports d’azote sur les sols agricoles et le dioxyde de carbone (CO2) via les consommations d’énergie et d’intrants ainsi que la combustion de biomasse. L’Agriculture et la forêt sont capables d’absorber et de séquestrer du CO2 atmosphérique par le biais de la photosynthèse sous forme de carbone organique dans la biomasse et les sols. Si ce carbone est séquestré suffisamment longtemps, on considère que ce CO2 piégé atténue l’effet de serre par le biais de la forêt, des zones humides, des prairies …. À contrario, des facteurs humains (urbanisation, déforestation …) ou naturels (tempêtes, incendies …) peuvent déstocker ce CO2 entraînant une augmentation du gaz à effet de serre. Enfin l’Agriculture et la forêt fournissent de la biomasse pour substituer de l’énergie ou des matériaux fossiles, ce qui permet aux secteurs de limiter leur impact sur l’effet de serre.
L’Agriculture familiale diversifiée joue un rôle dans l’absorption du CO2 et le maintien d’écosystèmes favorisant la biodiversité. Une prairie entretenue et pacagée compense 80 % des gaz émis par les vaches et participe à les nourrir. Les systèmes polycultures-élevages ou les territoires agricoles diversifiés sont les plus à même de relever le défi de la réduction des gaz à effet de serre. L’entretien des espaces boisés, des haies, des prairies permettent le captage de quantités formidables de CO2.
L’Agriculture peut agir à différents niveaux sur la lutte contre l’effet de serre : optimiser les intrants, maîtriser les émissions, accroître les stocks de carbone dans les sols, diversifier les cultures et développer les énergies renouvelables.
Les pratiques agroécologiques sont un levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre notamment en introduisant des légumineuses, des techniques culturales sans-labour, la fertilisation organique, la gestion optimisée des prairies ou de l’agroforesterie.
Le MODEF se doit d’encourager toutes les alternatives qui peuvent participer à l’émergence d’Agricultures durables à plus au moins long terme. Pour cela, il est indispensable que le gouvernement puisse donner des moyens financiers et de développer la recherche publique afin de développer ces nouvelles pratiques induisant des modifications importantes des systèmes et des risques pour les agriculteurs.