Technologie n’est pas progrès

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Agriculture de précision, drone, dématérialisation … l’Agriculture rentre dans l’aire du tout numérique. C’est un constat et quand on regarde la vitesse à laquelle ce changement se fait c’est alarmant. L’Agriculture a besoin de l’innovation, les agriculteurs sont demandeurs de l’amélioration de leurs conditions de travail, mais le tout numérique est-il source de progrès ou est-ce seulement un nouveau marqueur d’inégalité ?

La réponse est dans la question… A mon sens le tout numérique est une nouvelle fracture dans le monde agricole, il y a ceux qui s’adaptent et ceux qui subissent.

N’oublions pas que la moitié des chefs d’exploitation ont plus de 55 ans, une génération qui a découvert le numérique « sur le tard » et qui n’en a pas les réflexes, les codes, ou plus simplement, pas l’habitude. Oui, le numérique est une source de progrès qui fait avancer l’Agriculture, mais pas pour tous. Oui, les aides électroniques peuvent augmenter la production, la précision, la productivité, mais pas pour tous.

Il y a des agriculteurs qui font plus confiance à leur ordinateur pour intervenir sur une culture mais qui perdent le savoir-faire des anciens. Si ce nouvel acquis technologique se fait en perdant le savoir technique, cela en vaut-il la peine ? Si cette technologie est un plus au jour le jour, à quel prix cela se fait ? Chaque agriculteur doit répondre à cette question avant de passer le pas : l’investissement est lourd économiquement parlant, il faut que l’agriculteur s’y retrouve à tous les niveaux. Le chef d’exploitation, maître de ses décisions, est-il en passe de devenir un simple exécutant à la botte d’un ordinateur ?

La question se pose de la même manière pour la dématérialisation. L’administration pousse à tout va dans ce sens pour des raisons évidentes d’économie budgétaire, mais cela impact directement le service aux agriculteurs.

Les premières conséquences se font sentir à nouveau sur les agriculteurs qui subissent la fracture numérique : ceux qui n’ont pas l’utilisation facile de l’informatique. Mais les agriculteurs débordés par le travail sont aussi impactés par cette dématérialisation, ils n’ont pas le temps de faire un dossier via internet. N’épiloguons même pas sur les zones blanches où il est impossible d’avoir une connexion suffisante pour réaliser les démarches : on oblige des gens qui ne peuvent pas avoir un accès internet à utiliser internet.

Aujourd’hui au guichet de la MSA, on nous renvoie vers un ordinateur au lieu d’un conseiller pour remplir certains dossiers.

Combien de demandes d’aides n’ont pas étaient remplies pour ces raisons-là ? Combien d’agriculteurs ne font même plus la démarche d’essayer connaissant les difficultés qui les attendent ?

On subit une modernisation à marche forcée, en oubliant ses valeurs sociales et solidaires. Seul un accompagnement de tous ceux qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas se mettre au tout numérique permettrait que cette transition soit un réel plus pour le monde agricole.

Il faut garder du personnel derrière les guichets, il est indispensable d’avoir un personnel suffisamment nombreux à la MSA, la DDT, la Chambre d’Agriculture…

Alexis VANYPRE